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Pike les voyait dans son rétroviseur, à huit ou dix voitures de distance : les trois gros véhicules noirs roulaient presque à touche-touche, comme un train de marchandises.
Cole téléphona à Jon Stone et les lui décrivit.
— Deux BM et un Escalade, tous noirs. Ça capte bien ?
Cole écouta une minute puis referma son portable.
— Il les reçoit. Il nous reçoit. Il va transmettre à Walsh.
Ils descendirent vers le sud le long de la plage puis repiquèrent dans les terres sur Washington afin d’entrer dans Marina del Rey par Palawan Way. Ce n’était pas ! bien loin, et ils furent vite sur place. Le SRT et les équipes d’agents spéciaux s’étaient postés de part et d’autre de Palawan Way, à l’extérieur de la marina. Au moins un véhicule du SRT avait pris position de l’autre, côté des grilles, sur la presqu’île, mais Pike ne se donne pas la peine de le chercher des yeux : sans doute ne l’aurait-il pas trouvé.
Il s’engagea sur Palawan, roula jusqu’à l’hôtel qui se dressait au bout de la langue de terre et se gara exactement au même endroit que la veille.
— Prêt ? demanda-t-il à Cole.
— Oui.
Pike appela Walsh :
— On est au portail.
— On vous voit, Pike.
— Je l’appelle.
Pike mit fin à la communication et téléphona à Jakovic. Une voix d’homme qui n’était pas la sienne répondit.
— Ici Pike. Pour M. Jakovic.
Pike s’attendait à ce qu’on lui ouvre le portail, mais ce ne fut pas le cas.
— On arrive, dit la voix.
Cinq minutes plus tard, Milos Jakovic et ses deux gardes du corps franchirent le portail à pied. Jakovic marqua un temps d’arrêt en voyant Cole, et Pike sentit qu’il n’était pas ravi. Les trois hommes finirent néanmoins par les rejoindre.
— Qui c’est ? interrogea Jakovic.
— Il va m’aider à inspecter les armes. Si je les prends, il s’occupera du transport.
La mine de Jakovic s’assombrit encore.
— Je ne vais pas rester à attendre pendant que vous inspectez trois mille armes. Rien que pour les sortir des caisses, il y en a pour la nuit.
— Vous ferez comme vous voudrez, mais je vais tout inspecter. Je vous avais prévenu.
Jakovic agita la main, irrité.
— Montrez-moi le fric.
Pike descendit de voiture et désigna le sac de sport de Darko.
— Sept cent cinquante.
Jakovic farfouilla dans les liasses, choisit un billet au hasard et l’examina. Il sortit un marqueur de sa poche, écrivit sur le billet et observa l’encre.
— Heureusement qu’ils ne sont pas faux, commenta Cole.
Jakovic lui décocha un regard glacial avant de remettre le billet dans le sac.
— OK. Allons-y.
Il leva une main et deux Hummer anthracite apparurent aussitôt en grondant, un de chaque côté de l’hôtel. Le premier s’arrêta devant la Jeep et le second derrière, de façon à lui bloquer le passage.
— Je vous emmène, dit Jakovic. Je préfère.
Pike n’hésita pas. Sans un regard pour son ami, il suivit Jakovic jusqu’au Hummer de tête pendant qu’un des gardes du corps escortait Cole jusqu’à l’autre. Cette séparation était une mauvaise nouvelle, mais manifester de l’appréhension aurait été pire.
— C’est loin ? s’enquit Pike.
— Non.
Dès qu’il eut pris place sur la banquette arrière, un homme assis à l’avant braqua un pistolet sur lui.
— On va vous prendre vos armes, cette fois, dit Jakovic.
L’autre garde du corps de Jakovic commença à le palper mais eut presque aussitôt un mouvement de recul.
— Il a un gilet.
— Par précaution, expliqua Pike.
Jakovic tira sur son sweat-shirt.
— On prend aussi le gilet. Vous n’en aurez pas besoin.
Après l’avoir délesté de son Python et du calibre 25 qu’il portait contre la cheville, ils demandèrent à Pike de retirer son sweat-shirt. Pike se débarrassa de son gilet pare-balles et fut autorisé à remettre son sweat-shirt. Le garde du corps le passa ensuite au détecteur de fréquences radio. Pike veilla à rester détendu, réfléchissant à ce qu’il ferait s’ils trouvaient le mouchard de Stone. Le détecteur effleura ses chaussures et remonta le long de ses jambes. S’ils découvraient le mouchard, Pike savait que sa seule chance serait de s’emparer d’une arme et de sortir du véhicule. Il n’essaierait pas d’attraper l’arme braquée sur lui. Si le détecteur bipait, il ferait basculer l’homme qui le tenait devant lui pour s’en faire un bouclier et lui arracherait son flingue dans le même mouvement. Il descendrait d’abord l’homme assis à l’avant, puis celui au détecteur, et il s’extrairait ensuite du Hummer.
Le détecteur effleura sa ceinture sans biper.
Un point pour Jon Stone.
Ils démarrèrent, et le second Hummer se mit en mouvement à son tour.
Deux points pour Stone.
Ils ressortirent de la presqu’île par Palawan et contournèrent la marina. Pike était à peu près certain qu’ils allaient rattraper l’autoroute, mais pas un instant les deux Hummer ne s’éloignèrent de la marina. Ils longèrent les tours en verre fumé et les restaurants et poursuivirent sur leur lancée jusqu’à ce que la route s’interrompe dans une zone en friche. À ce moment-là, ils se rabattirent vers la côte par la dernière rue menant à la marina. Ils laissèrent derrière eux une série de cales sèches puis longèrent le dernier tronçon du chenal avant que celui-ci se jette dans l’océan. Ici, le rivage accueillait un alignement d’ateliers de réparation, de magasins de matériel nautique, d’entrepôts et de loueurs de bateaux.
Les Hummer stoppèrent devant un hangar long et bas construit au bord du chenal, et Jakovic ouvrit la portière.
— Les armes sont là.
Pike regarda autour de lui. Ils n’avaient mis que cinq minutes pour atteindre cet endroit, mais il n’existait qu’une seule route pour y accéder ou en repartir. Les hommes de Jakovic verraient arriver Walsh et ses unités de soutien à cinq cents mètres de distance.